M. Robert
Près de la mer, j'ai croisé M. Robert.
Assis au Barachois,
sur un banc,
sous ces arbres aux fruits salés,
à la
lumière d'un réverbère,
dans ce parc où passent des rats,
dans la nuit,
sous les alizés, à cette époque, froids,
je fumais une cigarette.
C'est alors qu'est venu M. Robert pour me parler.
M. Robert est bossu, ventru, avec un t-shirt sale et des savates deux doigts. M. Robert ne marche pas droit. Il semble qu'il tienne debout en se raccrochant à sa bière.
M. Robert à un visage marqué, buriné, avec un nez transformé en éponge sensible attirant toutes les effluves alcoolisées, pourquoi pas celles de sa bière dans ce froid.
Ce nez, est-ce une autre manière de tenir debout ? M. Robert s'est arrêté.
Il a laissé passer quelques bourrasques faisant danser cannettes, papiers, cartons de pizza froids et délaissés. Puis l'homme à la dérive approcha lentement mon banc comme un petit bateau approche un port.
Voilà : Nous étions tous les deux au banc amarrés. Entre nous deux la petite bouteille en verre qui bientôt sera peut être bouteille à la mer, vide, sans message... sous ce vent, ces nuages !
Dans sa main droite et dans ma main gauche brulaient maintenant pour chacun une roulée. Les fumées de cigarette, avec force, s'échappaient. Nous, on restait.
Nous avons fini par causer puisque nous regardions tout deux la même chose : la procession des feux rouges des véhicules motorisés, au loin, au pied de la falaise, au surplomb de l'océan indien.
Les voitures étaient loin.
Les gens étaient fous.
Il était difficile pour M. Robert d'exprimer ces idées.