Ses silences
Comme la marée qui monte, ses silences viennent et m'emportent. Quand la mer se retire, ses silences font marche arrière et me laissent sur le sable gris et mouillé. Ils me laissèrent un temps le goût amer de ce sentiment de ne pas avoir le droit d'exister.
Avant tout ça, ses silences étaient de jute ou de laine, rêches ou doux. Elle me les portait dans une toile remplie d'air iodé. Elle me prenait toujours au dépourvu, se faufilant dans la légion de mes moments que je perdais à installer dans l'espace de la plage des cerfs volants, des ballons, des rubans légers et colorés qui (et elle le savait) ne se laissaient approcher que pour disparaitre. Mes artifices la faisaient sourire.
Eclats de rire... et de la plage on voyait au loin un karnaval burlesque. Le vent cavalait pour voler le défilé de clowns, là-bas sur la jetée. Il soufflait en tourbillon ce que les clowns et leurs trompettes lui avaient laissé : des petites monnaies de vie, des confettis qui dansent balancent apparaissent et disparaissent dans le ciel pastel de notre plage : mirage. C'était alors à moi de rire puisqu'elle se mettait à imiter les artistes du défilé.
Ses silences sont mon présent, mon passé et avenir. Ils sont les témoins de sa force de femme et de son coeur d'enfant.
Ses silences me ramènent à sa douceur, à elle, à sa silhouette détachée du sable...
à la mer fine sur la plage,
à ses cheveux fins au vent,
et à tant d'autres choses... enfin...
Un jour, je me suis caché derrière tous mes ballons trop longtemps, faisant semblant sans cesse de tomber. Les ballons étaient devenus gris sur le sable : malheureux camouflage.
Restant seule sur le quai, elle a finit par prendre un bateau. Je suis parti, elle est partie. Je ne peux m'empêcher aujourd'hui de construire de temps à autre des radeaux de fortune pour m'approcher quelquefois de son vaisseau. Je la vois peu. Je la distingue à peine. Elle vogue sur la ligne d'horizon. Elle me sourit encore, voiles dans le dos. Noble, elle me souffle toujours des politesses. Et je retourne, je reste avec ses silences sous les nuages de la côte sur laquelle j'ai échoué.
Mafate - Novembre 2006
Qui as dit qu'on ne pouvait pas voir de coucher de soleil au petit déjeuné le matin ?